GONNANROU: Une plaisanterie à parenté à perpétuer pour l’harmonie de nos sociétés en Afrique et au Bénin

19 septembre 2021

GONNANROU: Une plaisanterie à parenté à perpétuer pour l’harmonie de nos sociétés en Afrique et au Bénin

Gonnanrou au Bénin : origine et sens en milieu Baatonu

Par Boni N’yô SINASSON

Gonnanrou, la plaisanterie à parenté, en milieu Baatonu se pratique au nord du Bénin et au nord du Nigéria. Elle est une pratique ancestrale. Elle instaure une taquinerie, entre cousins, grands-parents ou entre les Baatombou et d’autres ethnies, sans pour autant s’offusquer.

Cette pratique fait partie intégrante des meilleures règles traditionnelles instaurées pour mettre en valeur et sauvegarder le savoir-vivre entre communautés. D’où provient cette plaisanterie, et quel est donc son sens en milieu Baatonu ?

Gonnanrou : un terme qui conserve tout son sens en milieu Baatonu

Selon le journaliste culturel Soulémane Gbassidé, rédacteur en chef de la radio Deeman FM de Parakou, une ville située au nord Bénin, la plaisanterie à parenté, communément appelée Gonnanrou, est un fait social qui est aujourd’hui une identité culturelle en milieu Baatonu. En fait, explique-t-il,  certains peuvent parler de cousinage.

A en croire le journaliste culturel, le terme Gonnanrou existait depuis la nuit des temps et se pratique entre les cousins dans cette communauté. « Ça peut être entre un cousin et une cousine, et vice-versa, ou entre cousines », va-t-il ajouter.

En clair, explique M. Soulémane Gbassidé, on peut dire que cela se passe entre enfant d’homme et enfant de femme. Aux dires de cette personne ressource, ça voudrait dire que le fils d’un tel homme a forcément son cousin ou sa cousine au niveau de la mère d’un tel fils, etc.

Le grand-père (la grand-mère) et son petit-fils (petite-fille) pratique la plaisanterie à parenté (Gonnanrou) , parce que c’est aussi une affaire de génération. En milieu Baatonu, le grand-père et le petit-fils sont de la même génération, d’où cette plaisanterie à ce niveau. Mais entre les cousins, c’est plus pratique et perceptible chaque jour que Dieu fait, on la vit, a-t-on remarqué.

Cette pratique, fait savoir l’orateur s’observe pendant les cérémonies ou la fête identitaire des Baatombou appelée Donkonrou, c’est-à-dire le jet de feu. On active plus cette plaisanterie en ce moment , a expliqué le journaliste. Il a aussi précisé qu’il y a cette plaisanterie qui se fait soit au lit, ou quand ils sont en couple à deux (en tête à tête). « C’est quand-même des mots d’amour ou de petites taquineries pour renforcer l’amour, etc. », a-t-il fait comprendre tout en souriant.  

Gonnanrou, au-delà d’un simple amusement, est un moyen d’éduquer en milieu baatonu

Sur le plan culturel, informe Soulémane Gbassidé, Gonnanrou consolide les relations familiales et amène l’enfant à aller à l’apprentissage de la vie future. Elle permet aussi l’enfant à mieux comprendre et connaitre la famille. Cette plaisanterie, soutient-il, permet également aux enfants d’aller en apprentissage du respect mutuel et de la hiérarchie.

A l’en croire, entre cousins ou cousines, le premier ou la première , même plus âgé.e , dans le cousinage, il ou elle est jeune frère ou jeune sœur. Le deuxième ou la deuxième cousine avec qui le premier ou la première, forme le couple de cousinage peut être un bébé moins âgé . Mais ce n’est ni l’âge, ni l’expérience qui compte en ce moment ; plutôt la filiation, a-t-il insisté. (NB: Ici l’on veut dire qu’en milieu baatonu, l’enfant de ton l’oncle quelque soit son âge possède le droit d’aînesse).

La plaisanterie à parenté Gonnanrou en milieu baatonu, un moyen pour se dire la vérité

Selon Soulémane Gbassidé, c’est cela qui permet de mieux connaitre la famille et savoir qui est supérieur à l’autre. Celui qui doit faire allégeance à l’autre. Celui qui doit respecter l’autre. Quand est-ce qu’on doit prouver ce respect-là.

Les cousins se taquinent et jusqu’à un âge adulte et à un moment donné. Dans cette taquinerie, ils se disent des vérités, a martelé le journaliste culturel. C’est pourquoi, très souvent en milieu Baatonu, va-t-il souligner, quand par exemple, il y a un chef ou un roi qui a tendance à gérer de façon autocratique ou peut-être commet des errements, on fait appel à son cousin.

C’est ce cousin qui peut lui dire la vérité en face en plaisantant. Avec des expressions et des comportements , il lui fait savoir ce que les gens pensent et disent de lui. Parce que, le chef étant fort, tout le monde ne peut pas lui parler en face. Et seul son cousin pourra le faire mieux que le griot, en le ramenant à l’ordre, a expliqué M. Gbassidé.

Gonnanrou, un fait social qui rapproche les baatombu aux autres communautés 

La plaisanterie se pratique par ailleurs entre la communauté baatonu et d’autres communautés, telles que les Nagots ou Yoruba. C’est même perceptible par tous. Pour Soulémane Gbassidé, lorsqu’un Baatonu et un Nagot se rencontrent, les premières expressions, c’est Gonnanrou. Ils peuvent ne pas se connaitre nulle part ; mais ils commencent par cette plaisanterie. Ce qui leur permet de vite se connaitre et de se rapprocher davantage, a-t-on fait savoir.

« Que ça soit en milieu baatonu ou en milieu nagot ou ailleurs, quand ils se rencontrent en quelque sorte, c’est le sang qui parle et les rapproche davantage. Cela laisse ainsi place à une ambiance de retrouvaille et de taquinerie entre eux », a laissé entendre la personne ressource. Selon ses analyses, Gonnanrou permet d’éviter les querelles intestines. Car les cousins se retrouvent pour fumer le calumet de la paix. A l’interne, en milieu baatonu, d’une région à une autre, il existe également une plaisanterie à parenté .Pas entre famille, mais plutôt entre communauté, a-t-on aussi appris.

Gonnanrou: au-delà des simples paroles

En plus des mots, expressions et taquineries qu’on peut remarquer entre ces deux communautés (Baatonu et nagot), il y a également l’aspect matériel que l’on voit. Quand un Baatonu quitte par exemple sa localité pour aller à une cérémonie ou funérailles en milieu nagot, il a le droit, de prélever des produits ou du bétail en guise de symbolisme. Il doit toutefois respecter les principes ou rituels. A en croire le journaliste culturel, on informe d’avance l’organisateur en chef de la cérémonie , l’arrivée des voisins et parents, qui vont pratiquer cette plaisanterie. Ces derniers doivent se présenter comme tel.

Gonnanrou : une obligation morale et culturelle qui lie les Baatombou aux nagots

Au-delà d’une simple taquinerie, Gonnanrou se veut aussi être une obligation morale et culturelle liant les communautés en milieu Baatonum et alliés, a-t-on constaté. « Quand ils ne le font pas même, ce sont les organisateurs de ladite cérémonie qui en réclament. Parce que c’est avant tout culturel et avantageux pour la cohésion de la communauté », a fait remarquer M. Gbassidé.

De même, lorsque les nagots quittent leurs régions et se rendent en milieu baatonoum, ils le font également. Ils le font en guise de symbolisme et non parce qu’ils sont des voleurs, escrocs ou affamés, a-t-il clarifié.

L’observateur ou le Baatonou qui est là se rend compte toute suite de la présence de cousins et par des mots de passe, la plaisanterie commence entre eux.

Gonnanrou, une stratégie de rapprochement en communauté baatonu

En dehors des Nagots, les Baatombou et les Peulhs se taquinent également. Mais cela n’est pas aussi fort et amplifié comme au niveau des nagots, a précisé communicateur Gbassidé.

Plaisanterie entre Baatonu et Peulh

Le peulh étant un nomade ,le Baatonu le respecte. Car en son temps, le Baatonu ne maîtrisait pas son origine. Et du fait qu’aux yeux du Baatonu, cette ethnie est un peu particulière de par son teint, a-t-on évoqué. Mieux, le peulh est le gardien du cheptel, ajoute Soulémane Gbassidé. Le Baatonu lui envoie souvent son butin pour le gardiennage et l’élevage.

Au-delà, les Baatombu envoient d’autres de leurs descendants chez les peulhs pour telle ou telle autre raison . Ce qui a même crée une certaine sous communauté intégrée aujourd’hui dans la communauté baatonoum. Raison pour laquelle cette plaisanterie existe aussi entre les Baatombou et les Peulhs. Une caste spéciale des Baatoumbou appelée les Bouchers (Yararibou en langue baatonoum), a beaucoup plus activé « Gonnannrou » entre ces deux ethnies, a expliqué M. Gbassidé.

Plaisanterie entre Baatonu et Djerma pour enterrer la hache de guerre ?

Les Baatombou et l’ethnie Djerma de descendance Songhaï ou Sonraï, pratiquent également « Gonnanrou ». Celle-ci serait née après des guerres d’invasions et des razzias où ces deux communautés s’étaient, selon l’histoire, affrontées. Ce qui provoqua ainsi des transhumances. Ces Songhaï étant des caravaniers ont, de ce fait, migré vers le territoire baatonoum .Ceci créa certainement un lien de parenté.

« Mais très souvent, le Baatonu plaisante avec un peuple qu’il domine ou qu’il a tendance à dominer », a conclu le journaliste culturel Soulémane Gbassidé.

Quelques terminologies à comprendre

Baatonoum : la langue parlée ;

Baatonou ou Baatonu (Péjoratif de Bariba) : l’individu

Baatombou ou Baatombu : plusieurs individus.

NB

Les sites de l’Agence Bénin Presse (ABP)et la FAAPA avaient aussi relayé ce article que je leur avais envoyé.

Partagez

Commentaires